Colloque 2022 : La mode et ses dispositifs scéniques

Colloque 2022 : La mode et ses dispositifs scéniques

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MAQUETTES D’EXPOSITIONS ET EXPOSITIONS DE MAQUETTES

Colloque organisé par le Pavillon Bosio
6 & 7 DÉCEMBRE 2022
Théâtre des Variétés à Monaco**

La vitrine est un parent commun à l’histoire de l’art et à celle de la mode. Le podium fut autrefois une scène. Et les décors des premiers défilés ressemblaient à bien des égards à ceux des expositions. C’est dans cette généalogie intriquée, où se croisent les salons de l’art et du commerce, les magasins et les musées, les théâtres et les maisons de couture que ce colloque trouve son point de départ.
En réunissant à la fois des artistes, des scénographes, des historiens, des producteurs et des maisons de mode, il ambitionne de remonter le fil d’un genre aux codes bien établis, à l’heure où le spectacle de la mode, désormais pensé en vue de sa diffusion en ligne, est devenu un événement médiatique global. Les artistes y ont leur part depuis le début mais leur implication va toujours croissante.
Le premier jour, consacré à la technique spécifique du display de vitrine, regroupe les contributions d’un historien de l’art, Vincent Enjalbert, et de deux artistes, Lucy McKenzie et Nick Mauss. La conférence d’Émilie Hammen, historienne de la mode, amorce le deuxième jour consacré aux défilés puisqu’il y sera question de conjurer « la paradoxale immobilité » de la boutique avec l’introduction du mouvement.
La deuxième journée sera introduite par Caroline Evans, grande spécialiste de l’histoire des défilés. Son panorama, qui s’arrête aux spectaculaires productions des années 90, sera prolongé par des cas plus récents présentés par Xavier Veilhan, artiste, Alexis Bertrand, scénographe, Frédéric Sanchez, compositeur et Thierry Dreyfus, producteur.

Coordination scientifique
Thierry Leviez,directeur du Pavillon Bosio, Ondine Bréaud-Holland, Mathilde Roman, Sandrine Perrin et les professeurs du Pavillon Bosio

*Le décor du colloque a été réalisé lors d’un studio encadré par Frédéric
Pohl et Jean-Sylvain Marchessou, avec les étudiant.e.s Lucas Lemme (programme post-diplôme « Décors ») Ambre Rougier (étudiante en 3e année)
Avec le soutien de l’Institut audiovisuel de Monaco

PROGRAMME

MARDI 6 DÉCEMBRE 2022
09h00 : Accueil du public
09h30 : Introduction par Thierry Leviez (directeur du Pavillon Bosio)
10h00 : Vincent Enjalbert
11h00 : Nick Mauss (traduction par Damien MacDonald)
12h00 : Échanges avec le public
Séance animée par Damien MacDonald (artiste, professeur au Pavillon Bosio)
14h30 : Lucy McKenzie (traduction par Damien MacDonald)
15h30 : Émilie Hammen
16h30 : Échanges avec le public
Séance animée par Ondine Bréaud-Holland (docteure en art et sciences de l’art, professeure au Pavillon Bosio)

MERCREDI 7 DÉCEMBRE 2022
09h45 : Accueil du public
10h00 : Caroline Evans (traduction par Damien MacDonald)*
11h00 : Xavier Veilhan & Alexis Bertrand*
12h00 : Échanges avec le public
Séance animée par Mathilde Roman (critique d’art, professeure au Pavillon Bosio)
14h30 : Frédéric Sanchez
15h30 : Thierry Dreyfus
16h30 : Échanges avec le public
Séance animée par Dominique Drillot (scénographe, professeur au Pavillon Bosio)
Conférence diffusée en direct dans l’Amphithéâtre d’honneur des Beaux-Arts de Paris
**Conférence organisée et diffusée depuis l’Amphithéâtre d’honneur des Beaux-Arts de Paris

VINCENT ENJALBERT
HISTORIEN DE L’ART
« In Window Display, the Play’s the Thing » (Norman Bel Geddes) : une histoire croisée de la culture de la vitrine, de sa théorisation à l’évolution de ses formes scénographiques et ré-appropriations artistiques

En 1900, l’écrivain américain Lyman Frank Baum, dans son manuel technique intitulé *The Art of Decorating Dry Goods, *Windows, and Interiors publié la même année que son roman bestseller The Wonderful Wizard of Oz, conseille aux apprentis décorateurs d’appréhender la vitrine commerciale comme une « fenêtre de l’illusion ». Ce n’est qu’au moyen d’un savant « mariage du vivant et de l’inanimé » qu’elle parviendrait selon Baum à susciter à coup sûr la curiosité des passants. Intimement lié aux innovations technologiques de l’industrie du verre et à l’avènement de l’éclairage artificiel, ce dispositif partage en effet une histoire commune avec d’autres attractions populaires (diorama, aquarium, morgue) et spectacles urbains qui participent d’une révolution plus large des régimes scopiques au cours du XIXe siècle. Examinant les écrits pionniers de Karl Ernst Osthaus, Frederick Kiesler et Norman Bel Geddes, cette communication propose d’étudier la manière dont les stratégies de display produisent voire conditionnent une nouvelle attitude envers l’espace urbain mais surtout un regard spécifique porté sur la marchandise. Utilisée par les musées américains dès le dé but du XXe siè cle comme un moyen de diffuser leurs collections au-delà de leurs murs, la vitrine croise l’histoire des expérimentations muséographiques et des ré appropriations artistiques, qui, en retour, transforment de manière profonde son esthétique et ses usages.
Diplômé en histoire de l’art et muséologie à l’École du Louvre et en études curatoriales à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Vincent Enjalbert est historien de l’art et commissaire d’exposition indépendant. Dans le cadre de la résidence curatoriale du programme du Théâtre des Expositions 2021-2022 aux Beaux-Arts de Paris, il organise deux expositions, Misfire et Speed Dating proposant des dialogues trans-historiques entre des oeuvres issues des collections des Beaux-Arts et des productions d’étudiant·es et de jeunes diplômé·es. Intervenant régulier du séminaire « L’entour : Histoire et technique de la scénographie d’exposition » aux Beaux-Arts de Paris, il est également chargé de cours en art moderne et contemporain à l’École du Louvre.

LUCY MCKENZIE
ARTISTE
passer-by
En 2011, Lucy McKenzie a initié avec la créatrice de mode Beca Lipscombe plusieurs collections sous l’intitulé Atelier E.B. Le label travaille avec des productions locales, et utilise les réseaux de l’art contemporain pour faire la promotion de ses créations et les diffuser en partant du principe que les publics de l’art et de la mode sont souvent les mêmes. En 2018, le duo a inauguré la première occurrence de l’exposition Passer-by à la galerie Serpentine à Londres, une étude sur la relation entre histoire de l’art et mise en scène de la mode qui se composait notamment de mannequins conçus par d’autres artistes et d’un showroom permettant aux visiteurs d’essayer les vêtements. McKenzie revient sur ce projet au long cours et examine cette frontière fluctuante entre l’art et la mode où la vitrine agit comme un seuil entre culture savante et culture de masse.

Lucy McKenzie (née à Glasgow en 1977, vit à Bruxelles) est une artiste dont les installations explorent les relations de la peinture aux questions de style, de valeur et d’idéologie. Ses travaux ont été exposés internationalement et ont fait récemment l’objet de deux expositions monographiques au Museum Brandhorst de Munich en 2020 et à la Tate Liverpool en 2021.

NICK MAUSS
ARTISTE
Théâtre de la Mode :
« A Fashion Pageant From Paris »

Nick Mauss est récemment intervenu dans l’exposition consacrée par le Nouveau Musée National de Monaco à Christian Bérard en recréant, pour l’occasion, une évocation du « Théâtre de la Mode », une exposition itinérante organisée à l’initiative de la Chambre syndicale de la couture parisienne au printemps 1945. Composé de 14 « scènes » élaborées par des artistes et des scénographes à l’échelle de poupées et incluant 172 costumes dessinés par 52 couturiers, le Théâtre de la Mode a parcouru l’Europe et les États-Unis dans le but de promouvoir le savoir-faire français en matière de haute couture et de lever des fonds après-guerre. En abordant l’exposition comme une oeuvre d’art singulière de son époque et comme une collaboration sans précédent entre artistes, designers et stylistes, Nick Mauss met en exergue la dynamique croisée de la dramaturgie et du display, l’instrumentalisation de l’avant-garde par la mode, et la réactivité des expositions de mode aux événements qui leur étaient contemporains.

Nick Mauss (né en 1980 à New York) est un artiste américain actuellement en résidence à la Cité des Arts à Paris. À partir de la pratique du dessin, son travail s’étend à différentes disciplines dont la scénographie et le commissariat d’exposition. Il a ainsi travaillé avec de nombreux musées, dont le Whitney Museum of American Art (autour de l’histoire des ballets et de l’avant-garde à New York dans les années 30 à 50) ou au Nouveau Musée National de Monaco (en tant que scénographe autour de la figure de Léon Bakst). Il a participé à de nombreuses expositions récentes à la Kunsthalle Basel (2020), au Museum Ludwig de Cologne (2019), à la Fondation Louis Vuitton à Paris (2019) ou à la Fondation Serralves à Porto (2017).

ÉMILIE HAMMEN
HISTORIENNE DE LA MODE
the mechanical smile
En 1924, Sonia Delaunay pense l’exposition de ses premières créations textiles : dans une vitrine, trois rouleaux rotatifs font la démonstration de leurs qualités simultanéistes. Collaboratrice de Diaghilev, l’artiste a tôt la conviction que le contexte et les modalités de présentation de ses créations de mode les parachèvent réellement. Cette communication reviendra sur une idée, récurrente dans les travaux des créateurs de mode : comment conjurer, dans leurs présentations, la paradoxale immobilité de leurs silhouettes pensées pour le mouvement ? Deux créatrices poursuivent en un sens le moment historique des avant-gardes incarné par Delaunay : Rei Kawakubo et ses échanges avec le chorégraphe Merce Cunningham, et ceux que Miuccia Prada entame en cette même fin du XXe siècle avec l’architecte Rem Koolhas. Par-delà les podiums et les vitrines, elles explorent chacune autant de dispositifs, d’activation et de mise en mouvement, d’une mode qui ne se limite ainsi pas à ses objets.

Émilie Hammen est docteure en histoire de l’art (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et enseigne l’histoire et la théorie de la mode à l’Institut français de la mode (IFM). Ses travaux portent sur l’historiographie de la mode, ainsi que sur les rapports que cette dernière entretient avec l’art. Sa thèse, intitulée La Mode à l’épreuve de l’art, est en cours de publication aux éditions B42. Elle a par ailleurs codirigé l’ouvrage Les Grands Textes de la mode (2017) et dirige actuellement un numéro spécial « Mode(s) » pour la revue Perspective (2023). Elle a également été commissaire associée pour l’exposition sur le couple de mécènes Charles et Marie-Laure de Noailles et ses liens avec la mode (Villa Noailles, Hyères, 2015).

CAROLINE EVANS
HISTORIENNE DE LA MODE
L’intervention de Caroline Evans établit un pont entre deux ouvrages : The Mechanical Smile, publié par Yale, un texte de référence sur l’invention des défilés en France et aux États-Unis entre 1900 et 1929 dans le contexte du modernisme et de ce que Walter Benjamin avait qualifié de « nouvelles vélocités », et Fashion at the Edge, une étude détaillée sur les défilés spectaculaires des années 90, esquissant ainsi un panorama sur 120 ans de défilés. Son intervention se prolonge par une recherche autour des gigantesques productions de la dernière décennie pensées par les grandes maisons comme Chanel, Prada et Louis Vuitton dans la perspective de leur survivance en ligne.

Caroline Evans est historienne de la mode et professeure émérite à Central Saint Martins (University of the Arts London). Elle a notamment publié Women and Fashion (1989), Fashion at the Edge (2003), The Mechanical Smile (2013) et Time in Fashion (2020). Elle a enseigné dans de nombreuses écoles et universités internationales et a travaillé comme consultante pour des musées à l’organisation de plusieurs expositions sur la mode. Elle est co-commissaire de l’exposition en cours au MoMu d’Anvers, Exploding Fashion.
Scène pour la présentation des modèles chez Lucile’s à Londres, 1908 — Femina 1er septembre 1908. Musée Galliera de la Mode de la Ville de Paris

XAVIER VEILHAN & ALEXIS BERTRAND
ARTISTE & SCÉNOGRAPHE
Défilé Chanel haute couture automne-hiver 2022/23, Estrop/Getty images

à propos des derniers défilés Chanel haute couture printemps-été 2022 et automne-hiver 2022/23
Xavier Veilhan et Alexis Bertrand reviennent sur les univers visuels et les scénographies qu’ils ont conçus pour les deux derniers défilés Chanel Haute Couture. La conférence en retrace la conception et le développement, des idées et croquis initiaux à leurs réalisations. Les deux défilés ont été imaginés comme un prolongement des expositions et spectacles conçus par Xavier Veilhan avec Alexis Bertrand ces quinze dernières années. Ancrées dans l’histoire des expositions, leurs recherches convoquent et mélangent expositions universelles et aéronautiques, constructivisme, univers équestre, mini-golf et dazzle ship. Pensé comme un condensé d’exposition-spectacle, chaque défilé est l’occasion de réagencer formes, rythmes, musiques, styles, lumière, temporalités, points de vue, public et mannequins.

Xavier Veilhan (né en 1963 vit et travaille à Paris). Les sculptures, les films et les installations de Xavier Veilhan ont été montrés dans de nombreux musées et centres d’art. Il a notamment représenté la France à la Biennale de Venise en 2017. Son travail s’étend au commissariat d’exposition, à la scénographie, à la performance, au spectacle et à la mise en scène de la mode.

Alexis Bertrand (né en 1979, vit et travaille à Paris). Scénographe d’exposition et de spectacle, il a scénographié de nombreux projets pour des institutions comme le ZKM à Karlsruhe, les Beaux-Arts de Paris, la Fondation Lafayette. Il travaille auprès d’artistes comme Camille Henrot ou Evariste Richer et collabore régulièrement avec Xavier Veilhan depuis une quinzaine d’années.

FRÉDÉRIC SANCHEZ
ILLUSTRATEUR SONORE & RÉALISATEUR MUSICAL
à propos de la musique et du son dans les défilés

Frédéric Sanchez est l’un des principaux illustrateurs sonores dans l’industrie de la mode. Ses travaux incluent des collages, des mixes, des compositions originales, et des installations sonores. Sa carrière a commencé auprès de Martin Margiela et il a collaboré avec de nombreux créateurs depuis les années 90.

THIERRY DREYFUS
DIRECTEUR DE EYESIGHT GROUP
il y a plus ou moins d’intégrité dans la manipulation d’émotions au travers des défilés

Un producteur, lorsqu’il intervient aussi sur la lumière, les proportions, le décor et le rythme du défilé, doit être dédié à un créateur ou une marque. Il ne doit pas faire ce qu’il lui plairait de signer, mais ce qu’il pense être, en toute sincérité et conviction, le meilleur pour la marque, la créatrice / le créateur, aux côtés de qui il collabore. C’est ce que Thierry Dreyfus et ses équipes font, depuis une quarantaine d’années, à travers plus de 3 000 défilés, avec discrétion, détermination et plaisir.

Eyesight group est l’un des principaux producteurs de défilés. Son directeur, Thierry Dreyfus, évoquera les décors qu’il a conçus pour de grandes maisons de mode comme Off-White, Jil Sander, Comme des Garçons, Raf Simons, Helmut Lang, Rhude, Acne Studios, Dior homme, Etro, Heron, Preston, Palm Angels, Dsquared2… Ou encore l’iconique dernier défilé rétrospectif, pour le 40e anniversaire de la maison Yves Saint Laurent en 2002 au Centre Pompidou.

En collaboration avec les équipes du Théâtre des Variétés — Direction des Affaires Culturelles de Monaco — les Beaux-Arts de Paris — l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais
Avec l’aide de : Angelo Cirimele, Valentine Dolla, Sonia Pastor, Björn Dahlström, Estelle Macé, Yann Rocher

REMERCIEMENTS
Célia Bernasconi, Jean-Marc Déoriti-Castellini, Guillaume de Sardes, Eva Fabbris, Mathilde Flinois, Damien Gelot, Frédéric Giroux, Elena Kotoufou, Benjamin Laugier, Federica Nardoni Spinetta, Valérie Pinet, Christian Roti, Renaud Sabari, Vincent Vatrican